L'AVENTURE TEL AVIV
Une grande pensée pour nos amis Denis et Dorothée en écrivant cet article ! Les voici posant dans la cour intérieure de la maternité de la Sainte Famille, située à Bethléem, un joli havre de paix au pied du mur : Plus qu'un havre de paix, me direz-vous ... On se croirait dans le cloître d'une abbaye cistercienne ! Même la salle de réunion est belle et paisible. Il ne manque qu'un chevalier de l'Ordre de Malte montant la garde à l'entrée, pour se trouver projeté au temps des croisés, en 1080 à Jérusalem ! Comment se sont-ils retrouvés en Cisjordanie au service de l'Ordre de Malte, laissant leurs 6 enfants en France, pour habiter au bled ? Une chose est sûre, il fallait tout le flegme de Denis, et une expérience militaire de terrain pour relever le défi. Soyons honnête, il fallait aussi toute la bonne humeur et l'énergie débordante de Dorothée pour accepter des conditions de vie difficiles, un isolement certain, et ... un passeport de "femme d'ecclésiastique" ! Je la crois sur parole quand elle me dit que ses seules copines sont des religieuses ... J'ai eu la chance de bénéficier d'une visite des locaux, guidée par Denis. Sans mentir, il suffit d'arpenter les couloirs avec "le chef" et sa femme pour comprendre combien ils sont aimés du personnel, certainement reconnaissant pour leur engagement au service des tout petits dans ce pays en souffrance. J'ai bien failli verser ma petite larme, en arrivant à l'étage des salles d'accouchement. Seul un rideau nous séparait de la pièce où une jeune femme bédouine mettait au monde son premier enfant, encouragée par les aides soignantes, sa belle-mère et sa mère ... Je n'avais pas eu l'occasion d'approcher de tout près ce grand mystère depuis la naissance de Pauline ! Une pensée toute particulière pour notre grande fille de 15 ans, en pleine forme aujourd'hui, qui a bénéficié de cette couveuse sophistiquée pour partir en réanimation à la Noël 2003. Ce sont 98% de musulmanes et 2% de chrétiennes qui viennent ici mettre leur bébé au monde. Pour les familles les plus pauvres, la maternité peut parfois prendre en charge jusqu'à 80% du coût de leur séjour. Mais attention, Denis a ses informateurs ... C'est qu'on ne peut faire vivre une maternité de cette taille à ce rythme ! Heureusement, la totalité du personnel est palestinien, mis à part quelques bénévoles français, et tout se sait à Bethléem. On pourra venir ainsi en aide aux familles les plus démunies en toute équité. Avec 4 enfants par femme, on est loin de nos moyennes européennes ... Malgré tout, le fait de naître derrière le mur empêchera ces petits bébés d'obtenir une carte d'identité israélienne, ce qui encourage celles qui le peuvent à accoucher plutôt à Jérusalem. Mais il y en a qui n'ont peur de rien. Denis a même vu arriver une anglaise chrétienne, dont le souhait était d'accoucher ici, au plus près de la mangeoire qui a accueilli l'enfant Jésus ! Nous avons même eu le droit d'approcher l'unité de soins intensifs en néonatologie, capable d'accueillir de grands prématurés. Mais lorsqu'un bébé nécessite un traitement ou une opération spécifique, c'est l'hôpital d'Hadassah à Jérusalem qui prend le relais. Et là, de petits miracles ont lieu, dans la discrétion ... et croyez-moi, ils font du bien !!! C'est une ONG israélienne qui assure le transport des bébés et l'obtention des autorisations nécessaires. Comme vous le savez peut-être, les ambulances israéliennes ne peuvent pas passer le check-point, et idem du côté palestinien. La rencontre se fait donc au mur, et le bébé change d'ambulance ! Mais on m'a raconté que, parfois, lorsque la vie d'un petit bout de chou était en jeu, certains étaient capables d'écouter leur cœur ... et de faire taire leurs peurs. Pas d'avortement en Palestine, les familles qui accueillent un nouveau-né porteur d'un handicap sont invitées à se rapprocher de l'Arche de Jean Vanier, présente à Bethléem. (Ce sera pour une prochaine visite !) Les femmes bédouines, elles, bénéficient d'une antenne mobile gratuite pour le suivi de leur grossesse, financée par l'Ordre de Malte et une fondation américaine. Et le personnel médical accepte ce service bénévolement ... Sans cela, les jeunes mamans arriveraient à la maternité alors que le travail est déjà bien entamé, sans jamais avoir vu un médecin auparavant ! Je vous laisse avec ce joli coucher de soleil sur la ville de Bethléem, pris sur le vif à la fin de ma visite.
Merci à Denis et Dorothée pour leur accueil, et cette visite passionnante. Bienvenue à tous les bébés de la Sainte Famille et longue vie à la maternité !
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Vous le connaissez certainement déjà, car c'est assurément le plus médiatique de nos chers frères d'Abu Gosh, souvent intervenu sur KTO. Mais pour moi, c'est plutôt le frère en vin d'orange ou kumkuats ! Nous échangeons nos recettes et nos petits trucs lors de l'apéro, après la messe dominicale. Blague mise à part, sa façon de psalmodier l'évangile est l'un de ces moments de pure grâce qu'il m'a été donnés de vivre en Terre Sainte. J'admire également beaucoup chez lui ce charisme très particulier pour l'accueil de l'autre, symbolisé par cette abbaye bénédictine, implantée dans un village arabe, en Israël ... Tout un programme. Il m'a donné sa bénédiction pour vous partager cet entretien, trouvé par hasard dans la Maison d'Abraham, et paru dans La Vie cet été. Le film Exodus, d'Otto Preminger, a bouleversé mon enfance. J'avais 13 ans quand j'ai découvert la terrible odyssée du bateau sur lequel des rescapés de la Shoah s'étaient embarqués pour rejoindre clandestinement la Palestine. Ces 4530 hommes, femmes et enfants juifs avaient quitté, plein d'un espoir bientôt déçu, le port de Sète le 10 juillet 1947. Trente ans jour pour jour après cette tentative avortée-qui allait pourtant accélérer la création de l'Etat hébreu en 1948-, Dom Paul Grammont , l'abbé bénédictin olivétain du Bec-Hellouin (Eure), m'envoyait en Israël. Je devais rejoindre les trois frères qui, en 1976, s'étaient installés dans l'église des croisés, près de Jérusalem, où la tradition situe le repas du Ressuscité avec les disciples d'Emmaüs. D'aucuns concluraient à une simple coïncidence de dates. Moi, j'y ai vu un signe de Dieu. Durant mes premières années au monastère, j'avais nourri une grande tendresse pour la Terre Sainte et le peuple juif à travers le chant des Psaumes, les études bibliques et l'enseignement de Dom Grammont. Cet homme à l'esprit prophétique nous disait souvent : " Mes frères, n'oublions pas de regarder vers Jérusalem, ce rocher dont nous avons été taillés. Ne nous coupons pas de nos racines." Ainsi avait-il à cœur que des bénédictins puissent assurer "une présence cordiale au mystère d'Israël". Pour retrouver l'esprit des Apôtres dans ce "lieu de la déchirure entre église et synagogue, lieu germinal de toutes les divisions et discordes à venir." Cette mission cruciale enthousiasmait le moinillon de 27 ans que j'étais ! En atterrissant en Israël, je rêvais déjà d'établir un contact fraternel avec le peuple élu, de retour sur sa Terre promise. Mon ardeur, sans doute un peu naïve et idéaliste, s'est rapidement heurtée à la complexité du réel de ce pays en guerre et aux réticences des juifs à parler avec les chrétiens. Et pour cause : beaucoup nous considéraient -et c'est encore le cas !- comme la continuation du paganisme gréco-romain. Peu à peu, malgré tout, l'abbaye qu'avec mes trois frères nous restaurions à cœur joie, a développé son accueil. Au début des années 1980, un petit miracle a eu lieu : une sympathie se noua entre quelques officiers de l'armée israélienne en visite à Abu Gosh et moi qui leur faisais office de guide. L'alchimie fut telle qu'ils décidèrent de me confier, dans le cadre des services culturels des armées, le soin de faire découvrir le christianisme aux jeunes militaires israéliens de passage à Jérusalem. On peut être différents, et pourtant se rencontrer et s'aimer. Tel est le message que j'ai essayé de faire passer au cours de ces merveilleuses années où j'ai accueilli à l'abbaye jusqu'à 12000 conscrits par an. Fort des confidences recueillies à la fin des visites et des liens d'amitié qui ont perduré jusqu'à aujourd'hui, je sais que nombre de ces garçons et filles se sont laissé toucher, rejoindre, et même réconforter quant à l'avenir de leur pays. "Si moi, un jeune de 20 ans, juif, israélien et soldat, je peux être dans cette qualité de relation avec un moine catholique français, qui par l'âge pourrait être mon père ou mon grand-père, tout est possible. Même avec des palestiniens, y compris musulmans ! Alors oui, certains juifs, kippa sur la tête, n'ont pas osé prendre le risque de la rencontre. Mais j'ai dans la poche de ma bure blanche une multitude d'anecdotes qui témoignent de formidables retournements du cœur. Des jeunes qui sont entrés, contraints et forcés dans le monastère, puis qui se sont ouverts, vaincus par la gratuité d'une écoute, d'un accueil et d'un amour vrai, sans hypocrisie. Je pense à ce juif religieux d'une unité spéciale de l'armée qui, au début de l'entretien, refusait même de me saluer. Avant de remonter dans le bus, il m'a dit : " Aujourd'hui, j'ai découvert un monde inconnu que je pensais hostile et qui m'accueille comme je suis." Je l'ai vu alors enlever sa veste de treillis pour me remettre ses tsitsit (ces franges au bord des vêtements masculins constituent un rappel à garder les commandements de Dieu). Il me donnait son identité. Je me suis mis à pleurer. Ma vocation de bénédictin est d'encourager ces initiatives de paix et de réconciliation qui sont comme autant de petits cailloux blancs sur une route couverte de sang. Nous n'avons pas le droit de désespérer du cœur de l'homme, de tout homme, y compris du soldat qui vous regarde d'un œil torve. Car il ne nous appartient de connaître ni le lieu, ni l'heure où ce cœur va pouvoir être touché par la grâce. A fortiori, nous n'avons pas le droit, même quand l'horizon politique paraît bouché, de baisser les bras et de perdre l'espérance. Depuis 41 ans que je vis en Terre sainte, j'ai vu les Israéliens et les Palestiniens s'enfermer toujours plus dans leur bulle pour se mettre à l'abri. Mais Dieu merci, dans le même temps, j'ai constaté qu'un nombre croissant d'entre eux s’efforçait de percer ces bulles pour susciter la rencontre. A Abu Gosh, par exemple, c'est la création d'un centre pluriculturel pour le rapprochement entre les deux peuples, et la création d'une équipe de foot mixte arabo-juive. Ma vie est pleine de ces pépites d'espérance ! Il y a quelques semaines, je suis allé d'urgence à l'hôpital pour une embolie pulmonaire. Le soir même, deux amis palestiniens-un chrétien de Jérusalem et un musulman de Naplouse- sont venus me soutenir jusqu'à 4 heures du matin. Le lendemain a pris le relais à mon chevet un ami juif que j'avais rencontré en 1996 quand il était militaire de l'armée de terre en visite à Abu Gosh ... Sans compter les innombrables messages touchants de tendresse de jeunes israéliens et palestiniens qui ont inondé mon portable ... Ce que je prêche, je le vis dans ma chair. Finalement, c'est la grâce d'Emmaüs qui fait de notre abbaye un petit coin de paradis. L'esprit veut y faire toutes choses nouvelles entre juifs, chrétiens et musulmans, mais aussi -d'abord ?- entre disciples du Christ. L'Emmaüs des croisés attire en effet beaucoup de chrétiens de toutes confessions, et j'assiste à des choses étonnantes ... Dans les années 2000, un guide a voulu faire une surprise à son groupe de pèlerins russes, en les conduisant à Abu Gosh. Je vois encore le Père Romane, avec sa grosse croix d'archimandrite sur sa soutane croisée noire, me toiser dans le jardin. A ses yeux, les catholiques sont au minimum des schismatiques, au pire des hérétiques, et surtout des personnes à qui l'on ne parle pas. Coup de l'Esprit Saint, je me suis souvenu que nous avions une icône russe du XVIIIe siècle. Je l'ai présentée à leur vénération. Ils ont fondu. La Vierge avait brisé la glace. Avant de repartir en Russie, le Père Romane est passé m'offrir une icône de la Vierge de Kazan et glisser à mon oreille : "J'aimerais un jour pouvoir célébrer la divine liturgie dans votre église." Depuis, chaque fois qu'il voyage en Terre sainte, mon ami orthodoxe vient ici. Riche de cette expérience et de tant d'autres, comment n'aurais-je pas confiance en l'Esprit saint ? Il est plus fort et plus audacieux que nous et intervient, avec éclat, là où on ne l'attend pas !"
Alexia Vidot Le Saint Sépulcre : C'est le souk à l'extérieur ... C'est le souk à l'intérieur ... Mais c'est aussi le souk quand on l'ouvre ! La restauration de l'édifice en 2016, et particulièrement l'ouverture du tombeau a provoqué de mystérieux phénomènes. Gardons juste les faits scientifiques, la panne simultanée des appareils qui analysent la résonance électromagnétique, et laissons de côté les faits qui relèvent de l'expérience de foi : une mystérieuse odeur suave aurait envahi le Saint Sépulcre. Une chose est sûre. Il était vide !
C'est le mystère de l'absence réelle ... Merci à Marie-Armelle pour son humour, son travail de divulgation au sein de Terre Sainte Magazine et son témoignage. |
AuteurLes Basvil Archives
Avril 2020
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